L’arrêt “Chtoukaturov c. Russie” et l’influence de la CEDH sur la législation russe

18.03.2021

En général

L’arrêt “Chtoukaturov  c. Russie” rendu par la CEDH  le 27 mars 2008, présente une importance particulière pour la  Russie, car il a abouti aux réformes législatives.  Il est vrai, que la Russie a eu un grand nombre de requêtes présentées contre elle. Mais  l’impact de la CEDH sur la législation russe en droit privée était limité.  Les obligations de  l’Etat  découlant de l’arrêt, peuvent être individuelles ou générales. Dans le premier cas, l’Etat verse au requérant l’indemnité allouée par la CEDH; c’est au requérant d’appeler à la cour  pour re-ouvrire le litige tranché. Alors seulement obligations générales visent la modification du texte légal qui institue la pratique érronée.

Les cas quand  des obligations générales a abouti aux réformes législatives sont très rare.  En l’espèce il s’agit des 9 arrêts concernant des violations relatives à la procédure de privation de la capacité légale  et à l’hospitalisation psychiatrique, parmi lesquels l’affaire Chtoukaturov.  Vraiment, cet  arrêt  est devenu un tournant dans la pratique de la CEDH sur la question des droits des personnes atteintes de troubles mentaux. Il définissait le niveau de protection de leurs droits de la vie privée et leur droits de procès équitable.

Les faits de l’affaire Chtoukaturov

En décembre 2004 suite à la demande de sa mère,  le requérant était déclaré  incapable par le tribunal de district. Le requérant, qui n’avait pas été informé de la tenue de l’audience, n’y donc assista pas.   Il était  placé sous tutelle de sa mère, qui le fit interner dans un hôpital psychiatrique. Par aillerus, le requérant se vit refuser tout contact avec le monde extérieur. Avec son avocat, il demanda à de nombreuses reprises à diverses autorités, dont le procureur de district, de l’autoriser à sortir de l’hôpital, mais en vain. Le procureur de district informa  que  c’était à  la tutrice du réquerant de décider de sa sortie. Le recours du réquerant  a été rejeté sans examen suite à l’ art. 222 du Code de procédure civile car une personne incapable était déporvue de la capacité  d’agir en son nom.

Le droit

La CEDH a indiqué que la privation de la capacité civile avait des conséquences graves sur l’autonomie personnelle du réquerant. Dès lors, la décision du juge de trancher l’affaire sur la base de preuves documentaires, sans voir ni entendre le requérant, a enfreint le principe du contradictoire.

La présence d’un représentant de l’hôpital et du procureur  n’a pas conféré à la procédure un caractère réellement contradictoire. La procédure qui s’est déroulée devant le tribunal de district n’a pas donc été équitable.

En outre, la CEDH a souligné  que les normes sur la capacité des personnes physiques figurant aux articles 21, 29 et 30 du Code civil russe ne reconnaissent que deux cas de figures opposés : la capacité totale et l’incapacité totale.  La capacité partielle  était prévue seulement pour les toxicomanes et les alcooliques, ce qui n’était pas conforme aux standards européens.

Procédure devant la Cour Constitutionnelle

Après l’arrêt de la CEDH, la Cour Constitutionnelle de la  Russie a examiné  la plainte de Mr Pavel Shtukaturov et de deux autres  requérants. Ainsi, elle a déclaré certaines dispositions du Code de  procédure civile et de la  Loi sur les soins psychiatriques inconstitutionnelles. A cela s’est ajouté un autre arrêt de la Cour Constitutionnelle  du 27 juin 2012 suite à la plainte de Mme Irina Delova, déclarant les art. 29, 31 et 32 du Code civil contraires à la Constitution et imposant au législateur russe un impératif de porter réforme desdites articles.

La modification des textes légaux

Droits de procès équitable

Quant aux droits de procès équitable,  le Code de procédure civile et  la Loi sur les soins psychiatriques ont été amendé.  La Loi du 6 avril 2011 n° 66-ФЗ  a donc introduit  les obligations:

  • d’obtenir une ordonnance du juge administratif pour l’hospitalisation psychiatrique;
  • d’informer toute personne souffrant de maladie mentale de l’audition de son  affaire par tribunal, en vue d’y rendre possible sa participation personnelle.
Droits des personnes

Quant aux droits des personnes, l’arrêt a attiré l’attention au système russe de protection juridique des adultes.  La mise sous tutelle (perte entière de la capacité juridique) ou curatelle (perte partièlle de la capacité juridique) suite à une décision  d’intérdiction prise par un tribunal,  est prévue en tant que mesure de protection.  Alors, tandis que des personnes dont la dépendance à lalcool ou à la drogue cause de graves difficultés financières à leur famille faisaint l’objet d’une curatelle,  les personnes souffrant de  maladie mentale  faisaint l’objet d’une tutelle. 

Le tuteur ou le curateur est nommé par l’autorité de la tutelle et la curatelle agissant dans la cadre de  la Loi  de 2008  n° 48-ФЗ sur la tutelle et la curatelle.  Si une personne est placée dans une institution de soins médicaux,  les fonctions de son tuteur ou curateur sont assurées par les dirigeants de l’insitution (art. 35 para. 4 du Code civil). 

Alors, depuis la Loi de 2012  n° 302-ФЗ  Le Code civil  prévoit dans son art. 30 para 2 une troisième forme de capacité civile partielle pour les personnes ayant des troubles mentaux.  Elles font l’objet  d’une curatelle, et sa capacité de conclure certains actes juridiques  est similaire à celle des mineurs de 14 à 18 ans.

Exécution des arrêts

Enfin, le Comité des ministres a adopté  une résolution finale  – Le Rapport d’action sur l’exécution des arrêts   du 18 novembre 2020, confirmant  que les mesures adoptées par le gouvernement russe, avaient abouti à un résultat effectif dans le sens de l’art.46 de la Convention.

Daria Borminskaya 2021

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