La Convention Protection des Enfants de 1996 et sa place dans la législation russe
La Convention Protection des Enfants de la Haye 1996 est entrée en viguer pour la Russie le 1 juin 2013 suite à la Loi Fédérale de 5 juin 2012 №62-ФЗ “Sur l’adhésion à la Convention de Protection des enfants de la Haye de 1996”. La primauté des normes internationales résulte des dispositions de l’article 15 § 4 de la Constitution qui est reprise presque mot pour mot à l’article 3 du Code de la famille. Il en résulte notamment que “les principes et les normes universellement reconnus du droit international et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont partie intégrante de son système juridique” et, en conséquence, qu’en cas de contrariété entre un traité international et le Code de la famille, c’est le traité qui s’applique.
Champ d’application de la Convention
Aux fins de la Convention Protection des enfants 1996 l’expression “responsabilité parentale” comprend l’autorité parentale ou tout autre rapport d’autorité analogue déterminant les droits, les pouvoirs et les obligations des parents, d’un tuteur ou autre représentant légal à l’égard de la personne ou des biens de l’enfant. Il est à noter que c’est en Grand Bretagne, au Norvege, Portugal et en République Tchèque (rodičovská odpovědnost) qu’on utilise le terme ‘responsabilité parentale’. En autres pays les lois utilisent les termes différents – «elterliche Sorge» en Allemagne, «l’autorité parentale» en France, «potestà genitoriale» en Italie, droits parentaux en Bulgarie. Selon le droit russe il s’agit de la notion des droits et responsabilités parentaux en tant qu’une institution légale intégrale.
Les mesures de protection
Les mesures prévues à l’article 1 de la Convention peuvent porter notamment sur :
a)l’attribution, l’exercice et le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale, ainsi que la délégation de celle-ci ;
b)le droit de garde, comprenant le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence, ainsi que le droit de visite, comprenant le droit d’emmener l’enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle;
c) la tutelle, la curatelle et les institutions analogues ;
d) la désignation et les fonctions de toute personne ou organisme chargé de s’occuper de la personne ou des biens de l’enfant, de le représenter ou de l’assister ;
e) le placement de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un établissement, ou son recueil légal par kafala ou par une institution analogue ;
f) la supervision par les autorités publiques des soins dispensés à l’enfant par toute personne ayant la charge de cet enfant ;
g) l’administration, la conservation ou la disposition des biens de l’enfant.
Coopération administrative mis en place
L’Autorité Centrale est le Ministère de l’éducation de la Russie (le niveau fédéral). On précisera, à cet égard, que la Fédération de Russie comprend 83 régions appelées «sujets de la Fédération», donc chaque région est dotée de son propre Ministère de l’éducation (le niveau régional).
Chapitre II Compétence
Les autorités, tant judiciaires qu’administratives, de l’Etat contractant de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens (Art. 5). L’utilisation de la résidence habituelle comme facteur de rattachement principal est commune à toutes les Conventions modernes de La Haye relatives aux enfants.
Cas pratique: La Cour Supreme de la Russie a donné dans sa décision d’appel les éclaircissements sur la notion de la résidence habituelle dans le contexte de la Convention Protection des Enfants de 1996. Par ailleurs, la Cour a indiqué que les dispositions de la législation en matière de migration peuvent etre invoquées à cet égard.
Le transfert de la compétence
Par ailleurs, les art. 8 et 9 permettent donc aux autorités compétentes de transférer ou d’accepter la compétence de prendre des mesures de protection.
Les Etats contractants dont une autorité peut être requise ou saisie par le biais de transfert de compétence sont:
a)un Etat dont l’enfant possède la nationalité,
b)un Etat dans lequel sont situés des biens de l’enfant,
c) un Etat dont une autorité est saisie d’une demande en divorce ou séparation de corps des parents de l’enfant, ou en annulation de leur mariage,
d) un Etat avec lequel l’enfant présente un lien étroit.
Manuel pratique sur le fonctionnement de la Convention Protection des enfants donne des exemples de situations d’« urgence », ouvrant voie à la prise des mesures de protection d’urgence, dont f.ex. la nécessité d’un traitement médical.
Un chef de compétence spécifique
L’art. 12 prévoit qu’autorités d’un État contractant sur le territoire duquel se trouvent l’enfant ou ses biens de prendre des mesures de protection de la personne ou des biens de l’enfant ayant un caractère provisoire et une efficacité territoriale restreinte à cet Etat. La Russie a réservé la compétence exclusive de ses autorités à cet égard.
En pratique, le Ministère de l’éducation fédérale envoie des requêtes venant de l’étranger, au Ministère de l’éducation de telle ou telle région pour prendre des mesures de protection des enfants, prévues par la législation russe. Le système est compliqué car c’est la Loi Fédérale sur la Tutelle et la Curatelle Федеральный закон об опеке и попечительстве от 11 апреля 2008 года au niveau fédéral et les lois analogues des sujets de Fédération de Russie qui régissent les autorité compétentes et les mesures de protection.
Le mécanisme de retour des enfants illégalement déplacés
La Convention Protection des enfants ne modifie ni ne remplace le mécanisme établi par la Convention Enlèvement d’enfants de 1980 pour traiter les situations d’enlèvement international d’enfants. En outre, les art. 7 et 50 prévoient également la possibilité d’appliquer le mécanisme de retour immediat prévu par la Convention Enlèvement d’enfants de 1980 par les Etats non participant à la Convention Enlèvement d’enfants de 1980.
Chapitre III – Loi applicable
Comme le précise l’art. 15, dans l’exercice de leur compétence, les autorités des Etats contractants appliquent leur loi. Alors, l’attribution ou l’extinction de plein droit d’une responsabilité parentale, l’exercice de la responsabilité parentale, le retrait de la responsabilité parentale, modification de ses conditions est régi par la loi de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant. Au sens du présent chapitre, le terme « loi » désigne le droit en vigueur dans un Etat, à l’exclusion des règles de conflit de lois, ce qui permet d’éviter le renvoie.
Chapitre IV – Reconnaissance et exécution
Lorsque il s’agit des mesures de protection prises par les autorités d’un État contractant, elles doivent être reconnues “de plein droit” (art. 23(1)).
On précisera à cet égard, qu’en Russie la procédure de reconnaissance est réglementée par le chapitre 45 du Code de procédure civil russe. En vertu des dispositions du chapitre, des juridictions d’appel sont compétentes de trancher les questions de réconnaissance et d’exécution des jugements etrangers. De plus, les mesures de protection prises dans une forme de décision administrative, ne sont pas susceptible d’être reconnues en Russie.
Cas pratique Dans l’arret rendu le 26 Janvier 2016 (non-publiée) le tribunal d’appel de Saint Pétérsburg a refusé de reconnaitre de plein droit le jugement d’un tribunal danois attribuant la garde parentale exclusive au père d’un enfant. Le motif pour fonder le refus était l’art. 23 (d) de la Convention de la Haye, à savoir, contrariété à l’ordre public de l’Etat requis, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’ordre public russe était fait intervenir par le fait que ni l’opinion des autorités russes compétentes ni celle de l’enfant agé plus de 10 ans n’étaient pas tenu compte par le tribunal danois.
Certificat
Selon l’art. 35 un parent résidant dans un État contractant souhaite obtenir ou conserver un droit de visite/de contact à l’égard d’un enfant qui a sa résidence habituelle dans un autre État contractant, il peut demander aux autorités de son État de résidence de recueillir des informations ou des preuves et de se prononcer sur son aptitude à exercer le droit de visite et sur les conditions dans lesquelles il pourrait l’exercer.
Comme le précise l’art. 40, les autorités comptétentes peuvent délivrer un certificat indiquant les pouvoirs qui lui sont conférés. Les États contractants ne sont pas obligés de fournir ces certificats. Alors, la Russie n’a pas designee l’autorité compétente à cet égard.
L’articulation entre la Convention Protection des Enfants et les instruments internationaux
Selon l’art. 52 cette Convention ne déroge pas aux instruments internationaux auxquels des États contractants sont Parties. Les accords conclus par des États contractants portant sur les matières entrant dans le champ d’application de la Convention n’influeront donc pas sur son application entre ces États contractants. A l’heure actuelle, le principal instrument pour la Russie et les pays de CEI est la Convention de Minsk sur l’entraide judiciare de 1993 retenant le rattachement à la nationalité de l’enfant. En outre, il y a le nombre des accords bilatéraux qui prévoient eux aussi des dispositions sur la protection des enfants.
Conclusion
En absence du cadre réglementaire de la mise en oeuvre de la Convention Protection des enfants, son application pratique soulève de nombreuses questions dont quelque unes sont exposées ci-dessous:
1) Le Code de procedure civil russe contient dans son Chapitre 45 des dispositions permettant reconnaitre des jugements rendus par des juridictions etrangères. Il en est nécessaire d’entamer une procédure spéciale loin d’etre ‘une procédure simple et rapide’ selon le formule de l’art.26 (2) de la Convention de la Haye 1996. En outre, des mesures de protection prises en forme d’une decision émanant d’une autorité administrative ne sont pas susceptible d’etre reconnues en Russie.
2) La Cour Suprême de la Fédération de Russie est fortement appelée à intervenir et adopter des lignes directrices traitant l’application de Convention Protection des enfants de 1996 et de Convention Enlèvement d’enfants de 1980.
3)La notion de résidence habituelle ne fait pas l’objet d’aucune provision speciale dans le texte de la Loi relative à la tutelle et curatelle ce qui mène au refus de transférer la competence si l’enfant ayant une double nationalité est present en Russie.
© 2020 Daria Borminskaya